Dans le secteur philanthropique, les pratiques de gestion des talents ont longtemps été guidées par des principes traditionnels, souvent en réponse à des contraintes budgétaires et des structures rigides. Toutefois, à l’aube de 2024, nous assistons à une transformation significative de ces normes établies, impulsée par des pressions et des changements sociétaux, économiques et technologiques inévitables. Plongeons dans ces mutations incontournables qui redéfinissent le paysage de la philanthropie.
Les changements incontournables dans la gestion des talents en philanthropie
Historiquement, le secteur philanthropique rémunérait ses employés en fonction des revenus générés par les organismes. Une pratique qui limitait souvent la compétitivité des salaires par rapport au marché. D’ailleurs, les grilles salariales ne cachaient guère cette réalité. Désormais, c’est le marché lui-même, incluant le secteur privé, qui sert de référence pour la rémunération et le choc est parfois brutal. Cette transition, qui semble sortir d’un angle mort, témoigne d’une prise de conscience de la rareté de la main-d’œuvre qualifiée et de la nécessité d’attirer et de retenir des talents de haute calibre, indispensables à la réussite des projets philanthropiques dans un environnement de plus en plus complexe et concurrentiel. Et faut-il le rappeler, cette évolution survient dans un contexte de réduction de l’offre de formations universitaires diplômantes et de l‘impossibilité de passer la certification CFRE au Québec.
Par ailleurs, la notion de méritocratie, où la démonstration de compétences était préalable à l’accès à certains avantages (dont un salaire supérieur), cède la place à une approche où les talents exigent ces bénéfices en amont, même s’ils doivent encore faire leurs preuves par la suite. Cette dynamique témoigne d’un marché du travail où les candidats, notamment les plus qualifiés, détiennent un pouvoir de négociation accru, forçant les organisations à reconsidérer leurs politiques de recrutement et de fidélisation. Il y a de quoi déstabiliser et même blesser les personnes qui ont dû travailler ardemment pour se rendre là où elles sont.
La standardisation des avantages et des attentes dans l’offre de rémunération
Autrefois l’apanage des grandes fondations, les avantages tels que les vacances, les régimes de retraite et les assurances sont désormais considérés comme un minimum standard à offrir. Ce changement souligne l’importance croissante de proposer une offre globale attractive, voire féroce, pour se distinguer en tant qu’employeur de choix. La marque employeur s’invite assurément chez les OBNL.
Une transformation notable s’observe également dans la perception et l’attrait du secteur pour les talents issus des organisations à but non lucratif (OBNL). Alors qu’auparavant, le secteur privé manifesté peu d’intérêt pour ces profils (une question de snobisme peut-être?), la pénurie actuelle de talents rend désormais tous les profils attrayants, quelle que soit leur provenance. Notons que les qualités des talents en OBNL sont nombreuses et qu’il n’est pas surprenant que cela génère (enfin) un intérêt de la part du secteur privé!
En ce qui concerne la motivation à s’engager pour une cause ou un secteur, bien que toujours importante (fiou!), n’est plus le principal critère de choix pour les candidats. La liste des attentes s’agrandit et se complexifie. D’ailleurs, les attentes en matière de télétravail, amplifiées par la pandémie, ont également évolué. Elles passent d’un consensus général à des attentes et besoins plus divergents entre employeurs et employés.
Enfin, le taux de roulement, autrefois plus marqué chez les cadres intermédiaires et les postes d’entrée, s’étend désormais à tous les niveaux. Il met en lumière des attentes croissantes envers les directions et une pression significative sur les gestionnaires pour répondre à ces attentes tout en maintenant une mobilisation effective des équipes. Conseils d’administrations, soyez vigilants et dotez-vous d’un plan de relève!
Savoir naviguer dans un paysage philanthropique en mutation !
En conclusion, le secteur philanthropique est en pleine mutation. Il se confronte à la nécessité d’adapter ses pratiques de gestion des talents face aux réalités d’un marché du travail en évolution. Ces changements, bien qu’ils constituent des défis significatifs, offrent également des opportunités d’innovation et de développement. Ils permettent au secteur de demeurer compétitif et attractif pour les talents essentiels dont il a besoin afin de poursuivre sa mission essentielle pour la société. Les organisations qui parviendront à naviguer avec succès dans ce paysage en transformation seront celles qui se distingueront en tant qu’employeurs de choix, capables d’attirer, de retenir et de mobiliser les talents nécessaires à leur succès continu.
Écrit par Daniel H. Lanteigne, ASC, C.Dir., CFRE, CRHA (il/lui) et illustré par Sare Nalbantoğlu Aslankılıç