Déconstruisons les tabous sur la rémunération dans le secteur philanthropique dès maintenant !
Le secteur philanthropique est immanquablement unique en son genre. Cela a généralement du bon, mais parfois quelques désavantages. Bien que la nature même de cette industrie repose sur des valeurs de bienveillance, d’aide, d’inclusion, de partage et d’égalité, il serait faux et pernicieux d’y voir une obligation morale d’y œuvrer de manière bénévole ou dans l’austérité. Cette ligne de pensée est en revanche encore trop présente. Ainsi, elle entraîne une répercussion sur la rémunération des professionnel(le)s de la philanthropie.
Pourquoi les croyances et les réflexes poussent encore un aussi grand nombre de personnes à demander, voire exiger que nous payions le moins possible les gens qui s’affairent quotidiennement à aider notre société ?
5 préjugés sur la rémunération dans le secteur philanthropique
Lorsque nous nous sommes penché(e)s sur le sujet des tabous sur la rémunération dans le secteur philanthropique, nous nous sommes aperçu(e)s que l’opinion publique y jouait un rôle très important. En effet, une association systématique perdure entre la philanthropie et l’absence de rémunération. Comme si cette fonction était exclusive au bénévolat. Mais, comme tout secteur d’activité et grâce à la mobilisation d’employé(e)s au quotidien, les organismes ont évolué et bâti leur propre écosystème. Travailler en philanthropie ne signifie plus « donner un coup de main le dimanche » ou être un « quêteux professionnel ». Cela implique de travailler continuellement pour une cause qui va servir des bénéficiaires.
Ainsi, l’opinion publique, liée à un manque d’information et de sensibilisation, entretient les préjugés autour de la rémunération au sein des organismes. Cela crée ainsi des tabous et des inconforts.
Parmi les 5 préjugés les plus connus sur la rémunération dans le secteur philanthropique, nous pouvons trouver :
La collecte des sommes pour un organisme de bienfaisance est si facile. Par conséquent, pourquoi les personnes impliquées devraient-elles être rémunérées pour le faire alors qu’il s’agit d’un jeu d’enfant ?
Les membres d’OBNL sont des bénévoles qui pour donner un sens à leur vie travaillent en philanthropie. Ils se contentent de leurs bonnes actions et ne sont pas intéressés par une potentielle contrepartie financière. Ainsi, ces membres seraient donc des volontaires qui feraient du bénévolat.
Le secteur philanthropique n’a pas besoin d’offrir de hauts salaires. Le sentiment de contribuer à un monde meilleur a une grande valeur.
La philanthropie étant « innée », les membres ne seraient pas forcément diplômés. Ce secteur ne requiert ni d’avoir un diplôme précis ni de suivre une formation particulière. Tout le monde peut y travailler.
Si un(e) employé(e) est bien rémunéré(e), cela signifie que moins d’argent « ira à la cause ». Il y aurait une logique d’enrichissement sur le dos des fondations pour lesquelles ces personnes travaillent. Ainsi, être rémunéré autant pour un tel secteur d’activité n’apparaît pas moral.
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Les effets et répercussions de ces tabous sur la rémunération en philanthropie
L’ensemble des tabous sur la rémunération dans le secteur philanthropique, entraine des répercussions sur les ressources en place et les nouveaux talents qui souhaitent s’impliquer professionnellement. En effet, une fois diplômé, ils hésitent, voire refusent, de travailler dans ce milieu. Ils craignent de ne pas gagner suffisamment bien leur vie ou d’être circonscrits dans ce secteur, comme s’ils étaient moins productifs que le privé.
Par conséquent, ces personnes se trouvent souvent à faire un choix entre, réussir leur vie, pour eux ainsi que leur famille, et aider le reste du monde. Comme si l’un allait à l’opposé de l’autre. N’étant pas assez renseignés et subissant les répercussions des préjugés et des tabous, ils vont préférer travailler dans le non caritatif pour gagner plus d’argent. Par la suite, ils feront des dons à des œuvres. Ils ne peuvent donc, d’après eux faire un « tel sacrifice économique ». Notre secteur a tout intérêt à revoir son « branding », sa proposition de valeurs et son positionnement dans notre société.
Malheureusement, la philanthropie fait face à une fuite des talents. Pourtant, ces profils sont absolument nécessaires à la survie de nos causes.
C’est cette fuite qui, immanquablement, va entraîner une baisse conséquente des dons aux différentes causes. Les organismes n’auront pas les ressources suffisantes pour segmenter, cibler, rechercher et analyser les futurs donateurs. Elle va également jouer sur les services à prodiguer aux bénéficiaires. Avec un manque de main-d’œuvre, il est impensable d’assurer un service optimal et d’élargir son offre pour répondre aux besoins toujours grandissants de la communauté.
Ce n’est pas tout, cette fuite va aussi entretenir les tabous sur la rémunération dans le secteur philanthropique. Les mentalités ne pourront pas évoluer puisqu’elles ne se confronteront pas à la réalité du secteur.
Changer les mentalités pour attirer les talents !
Pour faire changer les mentalités envers le secteur philanthropique et permettre au système de rémunération d’évoluer en conséquence, plusieurs facteurs peuvent influencer de manière significative et positive. Nous vous en proposons cinq.
1. Prôner l'excellence dans le secteur philanthropique
En exigeant que les talents soient diplômés, adhérent à une association professionnelle et que le recrutement soit fait en conséquence. Cela induit une professionnalisation du secteur avec la création de formations et de diplômes adaptés. En effet, travailler dans un organisme implique de multiples expertises. Cela peut concerner la recherche de donateurs, la gestion de la relation avec ceux-ci, l’intendance et la reconnaissance, pour ne nommer que celles-ci. Cela nécessite de réelles compétences, de la polyvalence et de l’autonomie. Nous demandons aux talents d’être capables d’analyser et de rechercher des données précises, de segmenter, d’avoir des bases en relations publiques, en communication et en finances. Toutes ces expertises doivent être bien assimilées par les employé(e)s pour ainsi exceller dans la collecte de fonds.
2. Proposer des salaires adéquats
L’excellence et la performance des talents indiquent que les salaires doivent suivre. C’est à ce moment précis que les organismes doivent déterminer leur politique de rémunération en fonction de la réalité du marché de l’emploi et des profils recherchés. Recruter demande un descriptif de poste adapté et cohérent. De plus, l’échelle salariale doit valoriser l’expérience et l’expertise du talent retenu. Pour cela, les organismes ont tout intérêt à prendre le temps d’évaluer le rapport entre les besoins de l’organisation et ceux de leurs talents, le salaire direct et les avantages supplémentaires qu’ils peuvent leur offrir.
3. Sensibiliser et éduquer au secteur philanthropique
4. Faire rayonner nos besoins en recrutement
Enfin, il est important de continuer à promouvoir nos besoins en recrutement pour montrer que la philanthropie nécessite d’avoir des personnes diplômées, qui ont suffisamment d’expertises dans plusieurs domaines requis. Cela aidera à propager l’idée d’une rémunération plus juste, qui sera elle-même appuyée par des offres d’emploi nécessitant des profils qualifiés. La diffusion de postes à combler aide à rejoindre de potentiels talents et peut susciter la curiosité de postulant(e)s en reconversion professionnelle ou en quête d’un emploi davantage axé sur des valeurs humaines.
5. Faire preuve de transparence
Depuis le 1er mai 2021, l’AFP Québec rend obligatoire l’affichage d’un échelon salarial sur les offres d’emploi publiées sur son site Web. Il s’agit d’une mesure efficace pour une équité auprès des personnes qui postulent au sein d’une organisation, et aussi d’une pression positive pour valoriser les salaires. Avec plus de transparence, nous pourrons enfin avoir une conversation productive sur la rémunération, car bien que les données soient publiques (déclaration T3010), elles restent limitatives.
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Chacun a son rôle à jouer dans la perception du secteur et de la rémunération de nos professionnel(le)s. Le fait d’avoir un salaire juste ne devrait pas être remis en question. La rémunération doit être à la hauteur des qualifications de chaque individu. Et une personne qui dédie sa vie aux autres devrait, au contraire, être bien récompensée.
Un article réalisé par Mathilde Duval.
Sources :
- La question délicate et fustrante des salaires en philanthropie
- Philanthropie : des emplois de plus en plus professionnels
- Institutions sans but lucratif et bénévolat :
contribution économique, 2007 à 2017 - Philanthropie : grands causes, gros salaires
- Philanthropie : ceux qui veulent changer le monde, prière de postuler ici
- Why Are We Facing a Fundraiser Exodus?