Comme donateur, instinctivement je souhaite que mon don ait de l’impact. Je veux qu’il aille « à la cause » et qu’il soit utilisé judicieusement. Tout cela à la base est fort louable et semble découler d’une logique implacable. Mais, s’il en était autrement ? Ainsi, profitons de cet article pour comprendre le don dirigé et le don stratégique.
Les frais administratifs sont vitaux pour une organisation
Personne n’aime jeter son argent par les fenêtres. C’est un fait. Mais, nous avons malencontreusement été conditionnés à croire que les frais administratifs d’un organisme de bienfaisance doivent rester au niveau le plus bas possible. Nous nous disons que cette portion venait « gruger » notre dollar de don. De plus, cela ne sert pas la « cause » directement. Rien de plus faux.
En fait, les frais administratifs sont vitaux pour une organisation. En effet, ils permettent d’attirer, de mobiliser et de conserver les meilleurs talents pour soutenir la cause. Également, ces frais permettent de « faire du bruit » et ainsi gagner en notoriété. Ainsi, si nous souhaitons conjointement être cohérents, nous devons comprendre que les organismes vivent déjà avec des moyens limités. Mais de grâce, permettons-leur d’offrir des salaires décents et d’attirer de nouveaux donateurs.
En restreignant les organismes et en ne voulant pas soutenir ces frais, c’est comme si nous leur disions : « restez petits. Ne faites pas grandir ou évoluer votre mission. Courez après votre financement chaque année. Et vous trouverez la perle rare, votre cause est tellement noble ». En effet, la cause est probablement noble. Mais, la noblesse ne paie pas le loyer ni l’épicerie. Quand vous soutenez une cause qui vous est chère, sachez que votre dollar sera maximisé. Ainsi, une portion paiera le salaire, le loyer et la publicité. Mais, soyez plutôt fier de créer un effet boule de neige qui entrainera d’autres donateurs à emboîter le pas. Voyez grand pour votre cause, peu importe le montant de votre don.
C’est ici que la notion entre don dirigé versus don stratégique est importante.
Don dirigé versus don stratégique
En voulant soutenir uniquement « la cause », nous sommes également tombés dans un des pièges. Il se nomme les dons dirigés. Ces derniers sont très connus dans le milieu de la santé. En effet, certains médecins ont des fonds à leur propre nom, sinon des départements comme la cardiologie ou la cancérologie. Généralement, pour contribuer à ces fonds, le donateur fait un don dédié. Il offre un don à la fondation mais en exigeant que ce dernier ait un usage bien spécifique et rien d’autre.
En effet, c’est un privilège qui revient au donateur. Cependant, c’est aussi une charge administrative qui peut être considérable pour un organisme. Par exemple, prenez un organisme communautaire qui reçoit des dons dédiés pour la banque alimentaire, d’autres pour les vêtements, d’autres pour les victimes d’incendies, etc. Que fait l’organisme si son fonds pour les victimes d’incendie est plein mais qu’une famille se présente pour avoir de quoi se nourrir et que le fonds concerné est à zéro ? Et bien, l’organisme ne peut rien faire. Il doit respecter la volonté du donateur. En effet, il ne peut désaffecter des sommes. L’exemple est gros, mais c’est comme si vous disiez à cet organisme « je sais mieux que vous ce que vous devriez faire avec mon don ».
Faire un don stratégique, ce n’est pas imposer sa stratégie à une organisation. Mais plutôt, collaborer sur le long terme pour permettre à la cause d’accéder à ses ambitions stratégiques.
Apprenez à faire confiance et à développer un lien avec l’organisme. Comprenez que les dons dédiés sont intéressants parfois, mais pas tout le temps. Effectivement, ils créent une pression sur les finances et la gestion au quotidien. Ils ne permettant pas toujours de répondre à l’urgence du moment. Alors, redonnons toute la place nécessaire aux dons stratégiques.
Petit don, grand effet
Un certain Aristote disait que le tout est plus grand que la somme des parties. Il avait visé juste. Les dons, petits et grands, spontanés ou planifiés, lorsqu’ils s’unissent à d’autres font un effet boule de neige incroyable. Ils permettent à la fois de soutenir la mission, les projets et le développement de capacité d’un organisme. Ensemble, nous pouvons contribuer à changer les choses, tant et aussi longtemps que nous laissons les coudées franches aux organismes tout en demeurant vigilants.
Que ce soit La Ruche, GoFundMe ou toutes les plateformes de sociofinancement et de microdons, elles nous ont démontré une chose : les petits dons, jumelés les uns aux autres, peuvent changer des vies, changer le monde. Ainsi, vous, moi, tout le monde peut être philanthrope. Il faut simplement déprogrammer certaines notions. En effet, nous devons reconnaître l’expertise incroyable des organismes qui transforment le visage de nos sociétés, et ce, avec de grands et petits dons.
Cet article s’inscrit dans une réflexion abordée dans le billet Petit guide du parfait donateur publié sur Imagine Canada. Également, il s’inspire du toujours très actuel TED Talk The Way We Think About Charity is Dead Wrong de Dan Pallotta.
Daniel H. Lanteigne, ASC, C.Dir., CFRE, CRHA
Consultant principal et directeur du développement des affaires pour Montréal